Décohérence quantique

La décohérence quantique est un phénomène physique susceptible d'expliquer la transition entre les règles physiques quantiques et les règles physiques classiques telles que nous les connaissons, à un niveau macroscopique.



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La décohérence quantique est un phénomène physique susceptible d'expliquer la transition entre les règles physiques quantiques et les règles physiques classiques telles que nous les connaissons, à un niveau macroscopique. Plus particulièrement, cette théorie apporte une réponse, reconnue comme étant la plus complète à ce jour, au paradoxe du chat de Schrödinger et au problème de la mesure quantique.

La théorie de la décohérence a été introduite par Heinz Dieter Zeh en 1970[1]. Elle a reçu ses premières confirmations expérimentales assez il y a peu de temps, en 1996[2].

Introduction

Tous les objets décrits par la physique classique (projectile, planète, chat, etc. ) étant composés, en dernière analyse, d'atomes et de particules, et ces derniers étant décrits entièrement par la physique quantique, il est logique de considérer que les règles de la physique classique peuvent se déduire de celles de la physique quantique. Or, les tentatives en ce sens ont posé de nombreux problèmes dès le départ et pendant particulièrement longtemps. La théorie de la décohérence est à ce jour une des tentatives les plus satisfaisantes en ce sens, quoiqu'elle ne traite pas toujours la totalité des problèmes.

Les problèmes de transition quantique/classique

Le problème majeur est que la physique quantique admet des états juxtaposés, ces états étant totalement inconnus à un niveau macroscopique, décrit par la physique classique. L'exemple le plus frappant décrivant ce problème est l'expérience du chat de Schrödinger. Dans cette expérience de pensée, l'état juxtaposé d'un atome (désintégré/non désintégré) doit se propager, en suivant scrupuleusement les règles quantiques, à l'état d'un chat qui devrait aussi être, selon ces règles, dans un état juxtaposé mort/vivant. Or, un tel état n'est évidemment jamais observé, d'où paradoxe et problème.

La théorie quantique tient compte de cette non-observabilité des états juxtaposés quantiques en stipulant que tout acte d'observation provoque un effondrement de la fonction d'onde, autrement dit sélectionne instantanément un et un seul état parmi la totalité des états juxtaposés envisageables. Cela donne lieu à un postulat spécifique (postulat 5 dit de «Réduction du paquet d'onde»), qui est en contradiction mathématique avec un autre postulat de la mécanique quantique (postulat 6 : l'équation de Schrödinger). Voir «Problème de la mesure quantique» pour une présentation détaillée de ce problème.

Tel est le problème essentiellement traité par la théorie de la décohérence. D'autres problèmes interviennent dans la transition quantique => classique, comme le problème du déterminisme, ou des paradoxes de non-localité, mais qui ne sont pas particulièrement traités par cette théorie.

La décohérence

La théorie de la décohérence s'attaque par conséquent au problème de la disparition des états quantiques juxtaposés au niveau macroscopique. Son objectif est de démontrer que le postulat de réduction du paquet d'onde est une conséquence de l'équation de Schrödinger, et n'est pas en contradiction avec celle-ci.

L'idée de base de la décohérence est qu'un dispositif quantique ne doit pas être reconnu comme isolé, mais en interaction avec un environnement possédant la plupart de degrés de liberté. Ce sont ces interactions qui provoquent la disparition rapide des états juxtaposés.

En effet, selon cette théorie, chaque éventualité d'un état juxtaposé interagit avec son environnement ; mais la complexité des interactions est telle que les différentes possibilités deviennent rapidement incohérentes (d'où le nom de la théorie). On peut démontrer mathématiquement que chaque interaction «déphase» les fonctions d'onde des états les unes comparé aux autres, jusqu'à devenir orthogonales et de produit scalaire nul. En conséquence, la probabilité d'observer un état juxtaposé tend rapidement vers zéro.

Seuls restent observables les états dit «purs», correspondant aux états observables macroscopiquement, par exemple - dans le cas du Chat de Schrödinger - mort ou bien vivant.

Les interactions et l'environnement dont il est question dans cette théorie ont des origines particulièrement diverses[3]. Typiquement, le simple fait d'éclairer un dispositif quantique suffit à provoquer une décohérence. Même en l'absence de tout éclairage, il reste au minimum les photons du fond diffus cosmologique qui provoquent aussi une décohérence, quoique particulièrement lente.

Naturellement, le fait de mesurer volontairement un dispositif quantique provoque des interactions nombreuses et complexes avec un environnement constitué par l'appareil de mesure. Dans ce cas, la décohérence est quasiment instantanée et inévitable.

Donc, pour la théorie de la décohérence, l'effondrement de la fonction d'onde n'est pas particulièrement génèrée par un acte de mesure, mais peut avoir lieu spontanément, même en l'absence d'observation et d'observateurs[4]. Ceci est une différence principale avec le postulat de réduction du paquet d'onde qui ne spécifie pas comment, pourquoi ou à quel moment a lieu la réduction, ce qui a ouvert la porte à des interprétations mettant en jeu la conscience et la présence d'un observateur conscient. Ces interprétations deviendront sans objet si la théorie de la décohérence devient suffisamment complète pour préciser ces points.

Durée de la décohérence

La théorie de la décohérence prévoit qu'un certain temps est indispensable pour que les déphasages s'accumulent, et finissent par rendre négligeables la probabilité des états juxtaposés.

Avec certains modèles simples, mais pertinents, il est envisageable de calculer les valeurs théoriques de temps de décohérence dans un certain nombre de cas de figure. Les valeurs calculées avec ces modèles dépendent principalement de la grandeur de l'objet reconnu et de l'environnement.


Temps de décohérence (en sec) par type d'objet et par environnement[5]
Poussière (10-3 cm) Agrégat moléculaire (10-5 cm) Molécule complexe (10-6 cm)
Dans l'air 10-36 sec 10-32 sec 10-30 sec
Vide parfait + éclairage soleil 10-21 sec 10-17 sec 10-13 sec
Vide intergalactique + rayonnement 3K 10-6 sec 106 sec ∼ 11 jours 1012 sec ∼ 32000 ans
Vide de laboratoire (106 molécules d'air par cm3) 10-23 sec 10-19 sec 10-17 sec

État des lieux de la théorie de la décohérence

Aujourd'hui, cette théorie est reconnue comme étant l'approche la plus aboutie pour résoudre le problème de la mesure quantique. Elle a reçu la plupart de confirmations expérimentales.

Cependant des problèmes subsistent, qui ne sont pas entièrement, ou absolument pas, résolus par cette théorie.

États juxtaposés de probabilité non nulle

Dans la théorie de la décohérence, l'état est décrit dans le formalisme de la matrice densité, la base de mesure étant choisie par l'environnement selon un processus appelé einselection (pour environment induced selection) par Zurek. Dans cette base, les éléments non diagonaux de la matrice densité, aussi nommés cohérences, tendent exponentiellement vers zéro avec un temps caractéristique particulièrement court, mais ne deviennent jamais rigoureusement nuls. Cela est d'ailleurs théoriquement impossible, car les lois quantiques sont invariantes par changement de base de l'espace de Hilbert représentant les états quantiques, tandis qu'une diagonalisation idéale n'est valable que dans une base donnée. Ceci est en contradiction avec le postulat de réduction du paquet d'onde, qui stipule que les états juxtaposés disparaissent rigoureusement. La théorie de la décohérence arrive par conséquent à déduire ce postulat, mais que de manière approchée.

Cependant, les cœfficients sont tellement faibles que toute mise en évidence des états juxtaposés résiduels est totalement impossible en pratique, même si l'expérience utilise toute la matière et l'énergie de l'univers et ce, même pour des interactions assez faibles[6]. Cela permet par conséquent d'affirmer que la décohérence est en pratique identique sur ce point au postulat de réduction du paquet d'onde.

Unicité de la mesure

La décohérence mène non pas à un état unique, comme dans la réalité, mais à un ensemble d'états mutuellement exclusifs dont les probabilités sont régies par les lois de la physique quantique.

A titre d'exemple, la matrice densité du chat de Schrödinger évolue par décohérence en \begin{pmatrix} \frac 12 & 0 \\ 0 & \frac 12 \end{pmatrix} ce qui veut dire que le chat est soit mort avec une probabilité de 0.5 ou soit vivant avec une probabilité de 0.5, et non pas en \begin{pmatrix} 1 & 0 \\ 0 & 0 \end{pmatrix} ou \begin{pmatrix} 0 & 0 \\ 0 & 1 \end{pmatrix} comme on aurait pu le souhaiter, car - finalement- l'état constaté du chat correspond à une de ces deux dernières matrices.

Ainsi, le mécanisme qui "choisit" l'état final du chat échappe à la théorie de la décohérence. Or, le postulat de réduction du paquet d'onde stipule que l'état final est bien projeté sur une et une seule valeur. Ce postulat n'est par conséquent pas entièrement couvert par la théorie de la décohérence.

Les tenants de la théorie de la décohérence opposent à ce constat les considérations suivantes[6] :

Universalité de la décohérence

La question peut se poser de savoir si le mécanisme de la décohérence s'applique dans l'ensemble des cas de figure où s'applique le postulat de réduction du paquet d'onde. Il s'avère que certains cas importants échappent au formalisme de la décohérence, surtout ceux où les observables apparaissent en cours de mesure, comme par exemple dans le cas des chambre à bulles[6]. Il n'y a par conséquent aucune preuve formelle que le mécanisme de la décohérence s'applique à ces cas de figure. Cependant, il n'y a pas non plus de preuve du contraire, et l'opinion beaucoup répandue est qu'il est vraiidentique que la décohérence soit un phénomène universel.

Interprétation de la matrice densité

La théorie de la décohérence est entièrement fondée sur le formalisme de la matrice densité et n'est pas prouvée en dehors de ce cadre. Certains physiciens, et surtout Roger Penrose, soulignent les problèmes de l'utilisation d'une matrice densité pour extrapoler des propriétés concernant les phénomènes quantiques. Les problèmes sont de deux ordres :

Ainsi, la même matrice densité \begin{pmatrix} \frac 12 & 0 \\ 0 & \frac 12 \end{pmatrix} du chat de Schrödinger peut tout autant représenter l'état quantique global :

\tfrac 1{\sqrt 2} |\text{chat mort}\rangle |\text{environnement chat mort}\rangle + \tfrac 1{\sqrt 2} |\text{chat vivant}\rangle |\text{environnement chat vivant}\rangle,

qui est la solution du paradoxe du Chat de Schrödinger selon la théorie de la décohérence, que :

\begin{align} & \tfrac 1{\sqrt 2} \left( |\text{chat mort}\rangle + |\text{chat vivant}\rangle \right)\left( |\text{environnement chat mort}\rangle + |\text{environnement chat vivant}\rangle \right) \\
+ & \textstyle \tfrac 1{\sqrt 2} \left( |\text{chat mort}\rangle - |\text{chat vivant}\rangle \right)\left( |\text{environnement chat mort}\rangle - |\text{environnement chat vivant}\rangle \right), \end{align}

qui est un état physique particulièrement légal et envisageable selon les règles quantiques (on arrive d'ailleurs à superposer réellement de cette manière des paires de particules EPR).

Il reste à démontrer, dans la théorie de la décohérence, pourquoi seule la première possibilité advient dans la réalité et jamais la seconde, tandis que les deux formes sont idéalement légales selon la théorie quantique.

Décohérence et Réduction du paquet d'onde

On voit selon ce qui précède qu'il ne faut pas confondre décohérence et réduction du paquet d'onde. Voici un tableau récapitulant les différences :

Réduction du paquet d'onde Décohérence
Postulat indépendant Déduit d'un postulat
Durée de la réduction instantanée Durée dépendante de l'environnement
Les états juxtaposés n'existent plus après la réduction États juxtaposés indétectables
Réduction génèrée par un acte de mesure, de nature subjective Réduction spontanée, objective
Universalité postulée Universalité vraiidentique
Sélectionne un état unique Sélectionne un ensemble d'états mutuellement exclusifs

Il n'est pas toujours tranché de savoir si la décohérence est une approximation du postulat de réduction du paquet d'onde, ou si c'est au contraire le postulat qui approxime la réalité de la décohérence. Malgré tout, nombreux sont les physiciens penchant vers la seconde hypothèse.

Annexe : Formalisme mathématique de la décohérence

Modèle de décohérence

Soit une boule macroscopique de rayon R, dans un état juxtaposé de positions aux coordonnées x1 et x2.

Son état quantique est |\psi\rangle = a_1 |\psi 1\rangle + a_2 |\psi 2\rangle,
|\psi 1\rangle et |\psi 2\rangle étant respectivement l'état de position x1 et x2. On suppose x1 et x2 assez éloignés, et l'état de position suffisamment centré pour que |\psi 1\rangle et |\psi 2\rangle soient orthogonaux (aucune influence l'un sur l'autre). Ces deux états peuvent par conséquent appartenir à une base orthonormée. Le processus de décohérence se déroule dans une base privilégiée, qui est la base propre de l'observable ayant une intrication minimale (idéalement, nulle) avec l'environnement : ici la position[7].

La matrice densité d'origine, dans cette base, correspondant à cet état quantique est particulièrement simple : \begin{pmatrix} |a_1|ˆ2 & a_1 a_2ˆ* \\ a_1ˆ* a_2 & |a_2|ˆ2 \end{pmatrix}.

Cette boule est plongée dans un environnement constitué de particules d'impulsion moyenne p, dont la distribution de vitesse (direction) est aléatoire (typiquement, une atmosphère, ou un éclairage non cohérent et non monochromatique).

Soit une particule d'impulsion p, venant heurter en x la boule dans l'état x1. Sa fonction d'onde est eˆ{i p \frac x \hbar}. Après le choc, reconnu comme élastique, on peut démontrer[5] que la fonction d'onde de la particule devient eˆ{i p' \frac x \hbar + i(\delta + \alpha)}.

On constate par conséquent un déphasage de la fonction d'onde de l'environnement à chaque fois qu'une collision se produit. Ces déphasages s'accumulent au cours du temps, donnant une évolution dynamique de la matrice densité :

\begin{pmatrix} |a_1|ˆ2 & eˆ{-\alpha t} a_1 a_2ˆ* \\ eˆ{-\alpha t} a_1ˆ* a_2 & |a_2|ˆ2 \end{pmatrix}, avec \alpha = |x_1 - x_2|ˆ2 \frac {pˆ2 Rˆ2 N\nu}{\hbarˆ2}.

Lorsque t augmente, la matrice densité tend rapidement vers la forme \begin{pmatrix} |a_1|ˆ2 & 0 \\ 0 & |a_2|ˆ2 \end{pmatrix}. On parle alors de diagonalisation de la matrice. Cet état diagonal est caractéristique d'états quantiques orthogonaux, et par conséquent mutuellement exclusifs.

Bibliographie

Voir aussi

Notes et références

  1. Foundation of physics, 1, 69 (1970)
  2. Brune, Hagley, Dreyer, Mestre, Haroche Physical Review Letters, 77, 4887 (1996) [1]
  3. Il existe aussi une forme de décohérence induite par le rayonnement thermique spontané de l'objet quantique reconnu, sans interaction avec un environnement "extérieur" [2].
  4. Cependant, le problème de l'unicité du résultat de la mesure - qui n'est pas traité par la théorie de la décohérence - peut remettre en jeu le rôle de l'observateur.
  5. ab E. Joos, , H. D. Zeh, C. Kiefer, D. Giulini, K. Kupsch, I. O. Stamatescu ; Decoherence and the Appearance of a Classical World in Quantum Theory, Springer-Verlag (1996). Deuxième édition (2003) ISBN 3-540-00390-8
  6. abc Roland Omnès Les indispensables de la mécanique quantique Odile Jacob (2006)
  7. C'est ce qu'on nomme l'Einselection (Environment induced superselection)

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